Sur la trace du potier d'étain Johannes DIETZ (1726-1808)
Les objets en étain se limitent, de nos jours, à un rôle décoratif et sont de moins en moins prisés dans nos foyers. Pourtant, durant un demi-millénaire, cette matière servait à fabriquer un grand nombre d’objets de la vie courante, tels que des assiettes, cruches, plats, louches et bien d’autres. On utilisait, pour ce faire, principalement un alliage dit « métal-anglais » composé en grande partie d’étain auquel on ajoutait de l’antimoine et du cuivre.
Ce sont les potiers d’étain qui, jusqu’au milieu du XIXème siècle, fabriquaient et vendaient couramment ces objets.
A Barr, on a identifié l’existence de 17 potiers d’étain ayant pignon sur rue, entre la fin du XVIème siècle et 1822 [1]. Johannes (Jean) DIETZ (1726-1808) et son fils Jean-Geoffroy (1775-1837) en font partie [2]. Il est probable que les deux exerçaient leur métier au 12 rue des Boulangers; la maison, une cave et la moitié de la cour étant attribuées à Jean-Geoffroy dans le registre cadastral napoléonien de 1835 [3].
Chaque potier d’étain digne de ce nom disposait d’un poinçon, ce qui lui permettait de signer les pièces produites, même si beaucoup d’objets courants n’en comportaient pas. C’est ainsi que les DIETZ signaient leurs objets, tout du moins ceux qui sortaient du lot courant, au moyen d’un poinçon ovale représentant un ange portant, à sa main droite, une épée et, à sa main gauche, une balance. Un bouquetin, le nom et les premières lettres du prénom du potier ainsi que le nom de la commune complétaient le sigle. Ce poinçon était souvent apposé au dos de l’objet, s’agissant notamment des plats et assiettes.
Le plat circulaire qui nous intéresse [4] est sorti de l’atelier des DIETZ à Barr, probablement à l’époque de Johann (Jean), si l’on se réfère au poinçon doublement apposé au dos. Il peut donc être daté de la fin du XVIIIème ou du tout début du XIXème siècle. Son diamètre extérieur est de 34,6 cm. Il s’agit vraisemblablement, au départ, d’un objet de décoration, si l’on considère le travail minutieux de ciselure qui le décore.
Outre la frise constituant le motif de l’aile et le haut du marli (partie courbe reliant l’aile au fond), le fond comporte une représentation de style naïf de Saint-Nicolas, emblématique évêque du IIIème siècle, protecteur des enfants, et une inscription « ST. NICOLAUS ». On notera que St-Nicolas est dépourvu de sa traditionnelle barbe, mais dispose bien de sa mitre et de sa crosse.
L’objet a visiblement été détourné de son rôle décoratif, puisqu’il comporte de nombreuses traces d’entailles, ce qui démontre qu’il a finalement été utilisé pour le service de table. Il a également été réparé et comporte des apports tardifs de matière, malheureusement réalisés avec peu de minutie.
Si la valeur marchande de ce plat est négligeable, il reste un témoin intéressant de la poterie d’étain barroise des XVIIIème et XIXème siècles, dont quelques chefs-d’œuvre sont visibles au Musée de la Folie-Marco.
Philippe SCHULTZ
[1] Annuaire 1990 Société d’histoire et d’archéologie de Dambach-la-Ville-Barr-Obernai p. 123 : Les Potiers d’étain de Barr (Pierre ERNST et Marie-Anne HICKEL)
[2] Livre des familles Barr - Association de généalogie du Piémont des Vosges - 2020
[3] Archives départementales du Bas-Rhin – section H-3P 182/47
[4] collection privée